samedi 18 mai 2024

MOMENTS FORTS

Un beau discours signé Camille Cottin, maîtresse de cérémonie du Festival de Cannes 2024 

Après les actrices Virginie Efira en 2022 et Chiara Mastroianni en 2023, c'est au tour de Camille Cottin d'entrer dans la peau de la maîtresse de cérémonie du 77e Festival de Cannes. Lumineuse, subtile et inspirée, l'actrice française a dévoilé un discours d'introduction à la fois drôle, engagé et profond. Accompagnée d'un orchestre, l'actrice a décrit le Festival de Cannes comme un « Vortex », un monde parallèle étrange durant lequel les budgets coiffure coûtent plus cher qu'un court-métrage. Mais aussi où « le temps, l'espace et la santé (sont) des notions un peu floues. » 

Elle a aussi abordé le sujet crucial des violences sexuelles, faisant référence à Harvey Weinstein. « Les rendez-vous professionnels nocturnes dans les chambres d'hôtels des messieurs tout-puissants ne font plus partie des us et coutumes du vortex cannois suite à l'adoption de la loi #MeToo, et on s'en félicite. » Camille Cottin a aussi rappelé le pouvoir du cinéma, qui a le don de réunir les gens alors que le monde se fracture de part en part. À l'image des personnages qu'elle a interprétée, la star française a réussi à être aussi acerbe que pleine d'humanité; faisant l'unanimité au sein d'un public pourtant exigeant. 

La performance live électrisante de Zaho de Sagazan en écho au film « Frances Ha » avec Greta Gerwig 

Il s'agissait d'un vrai moment de grâce, parmi les plus émouvants des cérémonies cannoises. L'auteure-compositrice-interprète et musicienne française Zaho de Sagazan est montée sur scène pour reprendre, à sa façon (et en socquettes blanches), l'inusable « Modern Love » (1983) de David Bowie. Cette relecture électrisante et hantée était un « cadeau » pour la réalisatrice Greta Gerwig, présidente du jury de cette 77e édition du Festival de Cannes. En effet, dans le film Frances Ha (2012) de Noah Baumbach, l'actrice courait et dansait au son de cette chanson culte, déjà entendue dans le film Mauvais Sang (1986) de Leos Carax avec Juliette Binoche et Denis Lavant. La cinéaste à laquelle on doit le film Barbie (2023) avait du mal à contenir ses larmes, à l'image de l'assemblée. 

L'hommage rendu à l'actrice Meryl Streep, récompensée d'une Palme d'or d'honneur, par Juliette Binoche 

Les mots étaient à la hauteur du talent phénoménal de Meryl Streep. Juliette Binoche a pris la parole pour remettre lors de la cérémonie d'ouverture du Festival de Cannes pour remettre une Palme d'or d'honneur à l'immense actrice américaine oscarisée. « Si les contributions des femmes dans l'histoire sont encore trop invisibles, a déclaré l'actrice française, les tiennes ne le sont pas. En nous aidant à rire, à pleurer, à imaginer à être inspirée, tu t'es forgée une place indélébile dans l'histoire du cinéma. Tu es un trésor international. » 

Autre moment touchant du discours de l'héroïne du Patient anglais (1996) ? « Tu as changé notre façon de voir les femmes dans le monde du cinéma. Tu as changé la façon dont nous nous regardons dans le cinéma. Et pourtant tu ne te prends pas au sérieux. Je vois une telle joie en toi. » Alors que Juliette Binoche avait du mal à contenir son émotion, Meryl Streep lui a répondu, aussi bouleversée, par des compliments : « Quand j'ai appris que c'est toi qui allais me remettre cette Palme, je suis devenue comme folle. » Une belle séquence de sororité entre deux actrices d'exception. 

La 77e édition du Festival de Cannes a lieu jusqu'au 25 mai 2024. 

Violaine Schütz 

mercredi 27 décembre 2023

TIME AFTER TIME

Dans cette période très troublée (génocide à Gaza, scandale Depardieu, politique de dictature…), ils ont choisi de chanter l’amour… Time after time


Cyndi Lauper cover


samedi 23 décembre 2023

NON, NOUS NE SOMMES PAS FIÈRES, MONSIEUR LE PRÉSIDENT

Alice Augustin, au nom de toute la rédaction de ELLE, a souhaité réagir aux propos tenus par Emmanuel Macron, dans « C à vous », mercredi 20 décembre, sur l’affaire Depardieu

Il y a les vrais coups, ces coups qui font mal, qui laissent des bleus. Et il y a les coups symboliques, qui abîment tout autant. Celui qu’Emmanuel Macron a asséné à la cause des femmes sur le plateau de C à vous, le jeudi 20 décembre, restera dans les mémoires comme un tournant de sa présidence. Après avoir fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une cause prioritaire de ses deux quinquennats, le chef de l’Etat vient de trahir, sans ciller, les millions d’électrices tous bords confondus qui ont voté pour lui, contraintes ou convaincues. « Je suis un grand admirateur de Depardieu », « Il rend fière la France » ... Voilà ce que nous avons toutes entendu hier. Voilà les paroles qui nous ont laissé estomaquées, abasourdies, nauséeuses, dans le sillage des insanités proférées par Depardieu en Corée du Nord.  

Autre uppercut : les mots « dénonciations » et « on-dits » utilisés par Emmanuel Macron pour qualifier les deux plaintes pour « viols » et « agressions sexuelles » déposées contre Depardieu et dont l’une a conduit à une mise en examen, les 13 témoignages de femmes parus dans une enquête Mediapart demandant deux ans de travail aux journalistes, les récits d’actrices qui ont fréquenté Depardieu de près comme Anouk Grinberg, Sophie Marceau ou Emmanuelle Debever. « Je suis contre les chasses à l’homme », a-t-il eu besoin d’ajouter reprenant la ligne de défenses classique des agresseurs mis en cause. Que dire du choix de cette expression pour soutenir un acteur qui se vante, face caméra, d’être « un grand chasseur » de femmes ? Ce que nous avons véritablement entendu hier, le voici : « Taisez-vous, je ne vous crois pas ». Un désaveu magistral de la parole des femmes et des victimes, devenues présumées menteuses. Venant du chef de l’état, cette régression est gravissime. Ces propos constituent une faute morale et politique. 

Comment analyser cette séquence folle ? Est-ce une volonté autoritariste de recadrer Rima Abdul Malak, sa ministre de la Culture, une femme de surcroit, qui avait déclaré quelques jours plus tôt que Gérard Depardieu faisait « honte à la France » et évoqué le retrait de sa légion d’honneur ? Est-ce une nouvelle main tendue à la frange la plus conservatrice de son électorat ? L’hypothèse la plus probable est sans doute celle de la fin de l’hypocrisie. Emmanuel Macron, qui n’a plus le souci de se faire réélire, a dévoilé son vrai visage : celui d’un homme qui se range au côté des prédateurs ; celui d’un président qui nous a fait croire à son engagement auprès des femmes pour mieux les trahir. 

Faire le choix de retirer une légion d’honneur, refuser de célébrer le talent d’un prédateur n’est pas une question de présomption d’innocence (qui ne vaut que dans le cadre d’une procédure judiciaire), mais d’exemplarité, de valeurs, de compassion. D’ailleurs, ce même président qui s’indigne aujourd’hui avait engagé les démarches pour déchoir Harvey Weinstein de sa légion d’honneur dès octobre 2017, avant même toute décision de justice. Deux poids deux mesures, l’art de dire tout à la fois et son contraire, comme une nouvelle violence faite aujourd’hui aux femmes par Emmanuel Macron. Non, monsieur le président, nous ne sommes pas fières. Ni de Gérard Depardieu. Ni de vos propos. 21 décembre 2023. Elle.

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