DE ROCK STAR À TUEUR
22 ans après la mort de Marie Trintignant, qu’il a battue à mort, douze ans après le décès de Kristina Rady, son épouse qu’il a poussée au suicide, la série documentaire remarquable en trois épisodes reprend le récit, pas à pas, de l’emprise exercée par le chanteur de Noir Désir sur ces femmes et de sa violence, romantisée par la presse.
Le 27 juillet 2003, tombe sur l’AFP une dépêche effarante : La comédienne Marie Trintignant est dans le coma à Vilnius, en Lituanie, où elle terminait avec sa mère Nadine et son fils Roman Kolinka le tournage d’une mini-série de France 2 consacrée à Colette. La dépêche ajoute que son état est consécutif à des coups portés par son compagnon d’alors, le chanteur emblématique du groupe de rock Noir Désir, Bertrand Cantat. L’actrice, transportée à Paris, décède quelques jours plus tard, le 1er août, sans avoir repris connaissance.
Au cœur de cet été caniculaire, l’histoire tragique de ces deux stars emballe la presse, qui se déploie à Vilnius. Comme on est en 2003, bien avant #MeToo, le terme de féminicide n’est pas employé. Les journaux parlent de « crime passionnel ».
Effondrés, les proches de Marie Trintignant ne prennent pas la parole : c’est donc le récit de Bertrand Cantat qui va donner le la, pendant plus de vingt ans, malgré toutes les interrogations qu’il suscite, déjà, à l’époque des faits. La remarquable série documentaire de Netflix, en trois épisodes, remet l’histoire à l’endroit. Elle reprend le fil du récit, les preuves accablantes contre Cantat, le cynisme et la complicité de médias prompts à traîner dans la boue Marie Trintignant, parce qu’elle a eu des enfants de père différents, qu’elle était fantasque, et que lui, pauvre bichon, serait une victime autant qu’elle, dans cette triste histoire.
Alors que la réalité est toute autre, raconte ce documentaire, largement appuyé sur les recherches inlassables, depuis vingt ans, de la journaliste du Point Anne-Sophie Jahn. La série, en s’appuyant sur des faits précis, des vidéos quasi inédites, y compris des premières auditions devant la justice lituanienne, des témoignages, raconte une histoire d’emprise, une histoire de meurtre, une histoire de suicide forcé.
D’abord, ce qui est très rare, Bertrand Cantat a suivi Marie Trintignant pendant deux mois sur le tournage de Colette. Alors qu’elle travaille, il lui envoie des dizaines de SMS par jour, auxquels elle s’empresse de répondre, dans la foulée, jusqu’à cacher son téléphone dans sa bottine, racontent les témoins.
Ensuite, il y a cette robe, qu’elle refuse de mettre, au grand étonnement de sa mère, parce qu’elle a une marque au cou. Enfin, cette terrible soirée, ce SMS de Samuel Benchetrit, ex-mari de l’actrice, qui met le feu aux poudres, déclenche une crise de jalousie inouïe qui dure plusieurs heures.
Et les coups, qui suivent : « Derrière le larynx, on retrouve les ecchymoses occasionnées par quelqu’un qui chevauche, qui met éventuellement une jambe au niveau du cou de la personne qui est en dessous », indique le médecin légiste, qui poursuit : « à l’ouverture du crâne, on va voir que la violence a été extrême, les lésions sont trop nombreuses pour que ce soit une chute (...) c’est au moins une quinzaine ou une vingtaine de coups reçus qui sont extrêmement nombreux et qui n’ont pas été portés en quelques secondes, coups répétés de droite et de gauche ». Sur le corps martyrisé de la comédienne, d’autres marques encore, porté par un type imposant sur une femme qui fait la moitié de sa corpulence.
Le chanteur va ensuite la regarder agoniser pendant sept heures sans appeler les secours. Il n’écopera pourtant que de huit ans de prison, dont il n’effectuera que la moitié, en partie en France.
Le troisième épisode de la série s’intéresse à Kristina Rady, la femme de Cantat, mère de ses deux enfants, celle qu’il a quittée alors qu’elle venait d’accoucher, et qui a pris sa défense, avec les membres du groupe Noir Désir, à Vilnius, lors du procès. Kristina Rady s’est suicidée, le 10 janvier 2010, après avoir passé des mois d’enfer à côté de Cantat, lancé des messages de détresse, à son amoureux, à ses parents.
Mais elle n’a pas porté plainte, croyant ainsi protéger ses enfants. Là encore, ce que raconte le film, qui donne la parole à des témoins, Claudia sa jeune fille au pair, François son compagnon, sa mère, c’est un système de prédation, pur et simple. Kristina est retrouvée morte, pendue, par son fils. Aucune enquête n’est menée, malgré le pedigree de Cantat, et c’est même encore une fois le chanteur qui est plaint dans les journaux.
La série documentaire montre aussi la déflagration dans les familles. Richard Kolinka, père de Roman, le fils aîné de Marie Trintignant, dit son désarroi et sa colère. Samuel Benchetrit, son mari avant sa rencontre fatale avec Cantat, explique, le regard lourd de désespoir, que taper, ce n’est pas de l’amour. En vain. Lio, l’amie fidèle qui fut la première à prendre la défense de Marie Trintignant, et n’a jamais lâché, intervient aussi longuement.
Depuis 22 ans, le récit de Cantat continue de s’imposer, ses défenseurs de crier au génie, à sa possibilité de se réinsérer dans la société après avoir purgé sa peine. Mais le génie, il est mort au moment de la première gifle donnée à Marie Trintignant, au premier coup qui a envoyé Kristina à l’hôpital, avec le cuir chevelu arraché.
Marie, Kristina, leurs enfants, leurs familles, leurs amis, tous ceux qui les ont aimés, eux, ont pris perpétuité. La série, exceptionnelle, rappelle que ce qui tue, au-delà des coups, c’est le silence. Le silence de celles qui ont peur, mais aussi de ceux qui voient et n’interviennent pas. Caroline Constant.
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La journaliste du « Point » Anne-Sophie Jahn revient sur « l’affaire Cantat » : la mort de Marie Trintignant sous les coups du chanteur puis le suicide de Krisztina Rady. Et montre comment le silence tue.
Un soir d'été, en juillet 2003, Marie Trintignant s'effondre à Vilnius, sous les coups de Bertrand Cantat. Dix-neuf au total. Dix-neuf coups qui, pendant des années, seront enveloppés d'une rhétorique trouble, justifiés par les médias au nom d'un prétendu « amour passionnel » – jusqu'aux révélations de l'enquête d'Anne-Sophie Jahn, publiée en 2017 dans les colonnes du Point.
Huit ans plus tard, et un livre après, la journaliste revient sur cette tragédie dans une série documentaire Netflix, De rock star à tueur : le cas Cantat, co-réalisée avec Nicolas Lartigue, Zoé de Bussierre et Karine Dusfour.
À travers de nombreux témoignages des proches du couple Trintignant-Cantat, les trois épisodes de quarante minutes exposent sans concession le portrait d'un homme manipulateur, toxique et violent, protégé par un système médiatique qui a préféré glorifier l'artiste, « victime de son crime passionnel », plutôt que de confronter le criminel à sa violence extrême. « Parler, affirme Anne-Sophie Jahn, c'est une question de vie ou de mort. » « Si cette histoire avait été bien racontée, si les proches avaient parlé, on aurait peut-être empêché la mort de deux femmes. »
Car, au procès de Bertrand Cantat, à Vilnius, en 2004, une femme est à la barre pour défendre le leader du groupe Noir Désir. Elle s'appelle Krisztina Rady, elle est l'épouse du chanteur, et elle jure que l'homme n'a jamais levé la main sur elle. Six ans plus tard, elle sera retrouvée pendue à son domicile, pendant que le chanteur dort à l'étage au-dessous.
Face à la caméra, Maître Georges Kiejman, décédé en 2023, qui représentait la famille Trintignant, a ces mots implacables : « On peut dire que Cantat dort toujours quand ses femmes meurent. »
La mini-série de trois épisodes ne se contente pas d'exhumer un fait divers qui a divisé l'Hexagone. Elle rend hommage à ces femmes victimes de violence et interroge notre complaisance collective face aux féminicides et aux violences faites aux femmes lorsqu'elles concernent certaines icônes culturelles – même après l'avènement du mouvement #MeToo.
Documentaire à charge ? « Oui, assume la co-réalisatrice. Mais contre la société. Pour sa prise de conscience tardive sur les violences conjugales et le féminicide, ou comment collectivement, on a pu être complètement aveugle. Car cette histoire raconte avant tout ce qu'est un crime de violence conjugale dans ce qu'il y a de plus “banal” ».
« À l'époque, l'histoire qu'on nous raconte est presque romantique », raconte Anne-Sophie Jahn, également autrice du livre-enquête ‘Désir noir’ (Flammarion, 2023). « Pourtant, Bertrand Cantat a vraiment eu le mécanisme de défense classique du féminicide. Il soutient tout de suite la thèse de l'accident, et explique aux policiers que Marie Trintignant était devenue hystérique, qu'elle se droguait. Il justifie même son excès de colère et de jalousie par le texto qu'elle a reçu de son ex-compagnon, Samuel Benchetrit, père de l'un de ses enfants. »
Le documentaire dévoile de longs extraits de l'interrogatoire filmé de Bertrand Cantat à Vilnius, presque insoutenables. Peu de voix à l'époque se sont élevées pour dénoncer ce que l'on n'appelle pas encore un « féminicide » – quand le soutien autour du chanteur, lui, était total : de ses fans, de son label, de ses ex-femmes et de son groupe. Ils l'assurent en chœur à son procès à Vilnius, l'homme est incapable d'une telle violence. Mais la thèse de l'accident ne résistera pas à l'épreuve des faits, et le chanteur sera condamné à huit ans de prison – peine qu'il ne purgera qu'à moitié, et en partie en France, dans des conditions plutôt confortables. Dans les médias, on mentionne toujours « un crime passionnel », quand les ventes d'albums du groupe sont multipliées par quatre.
Après la mort de Marie Trintignant, Lio, à qui le documentaire donne largement la parole, se débattra pour dénoncer la « violence conjugale » de Bertrand Cantat. Elle sera bien seule.
Malgré sa condamnation, puis le suicide de Krisztina Rady, les médias s'en tiennent à un récit dans lequel Bertrand Cantat aurait presque le beau rôle. Le chanteur reprend sa carrière artistique – parfois subventionné par les fonds publics des festivals, parfois, comme son dernier album, par des fans fidèles, toujours prêts à répondre à l'appel – et apparaît même en une du magazine Les Inrockuptibles en 2017, dans lequel sept pages lui seront consacrées, sans jamais revenir sur l'une des deux affaires.
Pour la co-réalisatrice, il n'y a pas de doute : « Il y a encore une omerta. Plein de gens ont refusé d'apparaître dans le documentaire. Et pour ceux qui y figurent, et qui font partie du clan Cantat, comme Pascal Nègre (ancien PDG d'Universal Music France) et le tourneur du groupe –, ils continuent de le couvrir. Ils font encore bloc, aujourd'hui. »
Pendant des décennies, le « crime passionnel » a servi à atténuer la responsabilité des auteurs en suggérant qu'un accès de jalousie, ou qu'un amour dévorant, pouvait en partie excuser un passage à l'acte. L'affaire Trintignant-Cantat a contribué à évincer cette vision. Mais cette omerta révèle une chose : il est toujours aussi important de libérer la parole autour des violences. Alice Durand.
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Pourquoi la série documentaire « De rockstar à tueur, le cas Cantat » est-elle nécessaire ?
VIOLENCES CONJUGALES • « De rock star à tueur, le cas Cantat » sur Netflix revient sur la mort de Marie Trintignant, tuée à mains nues par le leader de Noir Désir, et le suicide de Krisztina Rady, la mère de ses enfants
Dans la nuit du 26 au 27 juillet 2003, l’actrice Marie Trintignant est rouée de coups par son compagnon, le chanteur Bertrand Cantat, dans une chambre d’hôtel à Vilnius en Lituanie. Dix-neuf coups au total. Un féminicide qui, il y a vingt-deux ans, ne disait pas encore son vrai nom.
Au procès de Bertrand Cantat à Vilnius en 2004, Krisztina Rady, épouse et mère des enfants du leader de Noir Désir, jure à la barre qu’il n’a jamais levé la main sur elle. Six ans plus tard, elle sera retrouvée pendue à son domicile, pendant que le chanteur dort à l’étage au-dessous.
En 2017, l’enquête d’Anne-Sophie Jahn pour Le Point fait grand bruit. On y apprenait que Krisztina Rady avait subi des violences de Bertrand Cantat bien avant les événements de Vilnius. Huit ans et un livre plus tard, la journaliste revient sur ces deux affaires dans une série documentaire disponible sur Netflix, De rock star à tueur : le cas Cantat, co-réalisée avec Zoé de Bussierre, Karine Dusfour, et Nicolas Lartigue. Alors que l’histoire a déjà fait maintes et maintes fois la Une des médias, pourquoi cette série documentaire est-elle toujours nécessaire ?
« Netflix est diffusé dans 190 pays. La plupart des gens n’auront jamais entendu parler de Bertrand Cantat. Il faut raconter cette histoire de manière beaucoup plus accessible et universelle, et surtout s’adresser à un public jeune qui ne connaît pas cette affaire, explique la réalisatrice et journaliste Anne-Sophie Jahn. Les violences faites aux femmes touchent absolument toutes les générations. »
Le premier volet du documentaire rappelle ainsi ce que représentaient à l’époque ces deux stars : Marie Trintignant, la petite chérie du cinéma français et Bertrand Cantat, l’idole du rock hexagonal.
Cette série est donc le fruit « d’un processus très long, qui a duré quatre ans », relate Anne-Sophie Jahn. Netflix a fait appel à « plusieurs équipes, réalisateurs, producteurs et toute une équipe de journalistes, de fact-checkers indépendants pour avoir un regard extérieur et vérifier que tout soit juste et extrêmement sourcé », détaille la journaliste.
« Il y a une soixantaine de sources d’archives différentes, y compris des images inédites, jamais vues, et très fortes. Je pense qu’on n’a même pas forcément besoin de les commenter tellement certaines valent mille mots », poursuit-elle. La série propose aussi des « témoignages de gens qui n’avaient jamais parlé, avec des informations très fortes. C’est un peu le documentaire définitif aussi sur l’affaire. »
« Plus de vingt ans après l’affaire, c’est vraiment très difficile de s’y attaquer parce qu’on fait face à un mur de silence, autour des proches évidemment de Bertrand Cantat qui continuent de faire front pour le protéger, mais aussi autour des proches des victimes qui sont tout simplement dans la douleur », souligne Anne-Sophie Jahn. La série montre comment Bertrand Cantat a profité de ce silence compréhensible des proches de la victime pour gagner la maîtrise du narratif.
Les larges extraits des deux auditions de Bertrand Cantat à Vilnius sont ainsi édifiants. « C’est un moment absolument crucial, la première parole de l’accusé. Voir les images, comprendre le langage corporel, les expressions quand il lève les yeux au ciel, etc. C’est absolument capital pour comprendre la psychologie de Bertrand Cantat », analyse la journaliste.
Du jamais vu pour une affaire française où les auditions ne sont jamais filmées. « Les auditions durent sept heures. Ce qui est intéressant, c’est de voir l’évolution entre la première et la deuxième audition. Grâce à ses images, on a pu montrer les axes de défense qu’il a créés, et qui ont été repris par son avocat, les médias, puis l’opinion publique », commente la journaliste.
« Ce sont des défenses typiques d’auteurs de féminicide. Toutes les stratégies de défense de Bertrand Cantat, on les retrouve dans 90 % des cas chez les autres auteurs de féminicides. On montre l’aspect systémique de l’affaire. C’est évidemment une affaire exceptionnelle parce que ses protagonistes sont deux stars et que cela a provoqué un séisme médiatique en France, mais dans le détail, c’est une affaire tristement banale », souligne la réalisatrice.
« À chaque fois que j’écris sur le sujet, et j’espère que le documentaire aura le même effet, j’ai des messages de femmes qui me disent qu’elles se sont vraiment reconnues dans cette histoire, c’est pour cela qu’il faut la raconter encore et encore, parce qu’elle est complètement d’actualité », poursuit-elle, rappelant que ni le nombre de féminicides, ni celui des violences conjugales, ne baisse. « Cette affaire montre tous les mécanismes d’une société qui excuse ce type de crime, qui le banalise. », ajoute-t-elle.
« Ce n’est pas un documentaire à charge, on a veillé à avoir vraiment les deux paroles, à être équilibré », défend Anne-Sophie Jahn. La série documentaire fait le portrait d’un homme manipulateur, toxique et violent, protégé par un système médiatique et une société qui a préféré encenser l’artiste « victime d’un crime passionnel » plutôt que de le confronter à ses actes violents.
« Ce qui est vraiment fou et spécifique dans l’affaire Cantat, c’est qu’il tue une femme à main nue. Il fait quatre ans de prison, il sort de prison, et là, il redevient une idole », constate Anne-Sophie Jahn. Les ventes de disques de Noir Désir augmentent pendant le procès. En 2013, Bertrand Cantat fait un retour triomphant avec le groupe Détroit pour une tournée des Zéniths.
« Il a tout à fait le droit de se réinsérer, mais le fait qu’il soit à nouveau une icône idolâtrée, cela montre à quel point le statut de l’artiste reste encore intouchable en France. S’il avait été un citoyen lambda, il n’aurait pas eu un tel traitement et autant de facilité à se réhabiliter », considère Anne-Sophie Jahn. L’affaire questionne sur « notre rapport aux idoles, notre rapport aux rapports entre hommes et femmes. »
Pourquoi cette série documentaire ne porte-t-elle pas le nom de la victime de l’affaire, Marie Trintignant ? « C’est vraiment un choix éditorial très clair. Il n’y a pas qu’une affaire Cantat. Ce n’est pas uniquement l’affaire de Marie Trintignant, cela devait forcément s’appeler "le cas Cantat" parce qu’il y a d’autres affaires Cantat », expose la réalisatrice.
La série dévoile l’existence d’un dossier médical pour violences commises sur Krisztina Rady et revient sur les circonstances de son suicide. « Autour de Krisztina Rady, il y a eu un grand silence, cette femme a été complètement invisibilisée. Je pense que peut-être d’autres femmes pourront se reconnaître dans son histoire et décider de parler avant qu’il ne soit trop tard, et donner le courage aussi aux proches, qui ont su, qui ont vu, et qui n’ont pas parlé », espère Anne-Sophie Jahn.
« On peut dire que Cantat dort toujours quand ses femmes meurent », souligne, glaçant, Me Georges Kiejman, décédé en 2023, qui représentait la famille de Marie Trintignant, face à la caméra. « Une femme sur dix en France a été victime de violences conjugales. Ces femmes ne parlent pas en général, il faut absolument ouvrir la discussion. L’affaire Cantat permet quand même cette prise de conscience. Les hôpitaux qui accueillent les femmes battues, les proches, l’accueil de la police. Il y a encore du travail à tous les niveaux », conclut la journaliste. Anne Demoulin.
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Le cas Cantat : 21 ans après la mort de Marie Trintignant, une série Netflix décortique l'affaire à travers le prisme du féminicide
La diffusion de ce documentaire accablant relance les débats sur les réseaux sociaux. Certains crient à l'acharnement contre le chanteur de l'ex-groupe Noir Désir. D'autres estiment qu'il a bénéficié d'une trop grande mansuétude.
En ligne depuis le 27 mars sur Netflix, De rock star à tueur : Le cas Cantat est une série documentaire courte : seulement trois épisodes d'environ 40 minutes, montés de façon haletante. Produite par Capa Presse, elle est signée par quatre
réalisateurs : Zoé de Bussière, Karine Dusfour, Nicolas Lartigue et Anne-Sophie Jahn, journaliste au magazine Le Point.
Cette dernière, spécialiste du dossier, commente et analyse les faits, appuyée par une autre reporter, Michèle Fines, qui a suivi cette affaire dès son déclenchement et livre un témoignage introspectif très honnête. De nombreux intervenants apportent aussi leur éclairage : la chanteuse Lio, amie de Marie Trintignant, le musicien Richard Kolinka, père de son fils Roman, Pascal Nègre, patron de la maison de disques de Noir Désir, son tourneur de l'époque, des policiers et magistrats, un légiste...
Ceux qui s'intéressent de près à cette histoire à rebondissements qui défraye la chronique depuis plus de vingt ans n'apprendront pas grand-chose. D'autres documentaires et articles de presse ont déjà par le passé dévoilé ces informations et ces documents. Les jeunes générations découvriront en revanche cette affaire hors normes grâce à cette série qui opère un remarquable travail de synthèse.
Son intérêt essentiel réside dans l'angle choisi : une relecture implacable des faits avec les lunettes d'aujourd'hui, celles de l'après #Me Too. Des lunettes ou plutôt des loupes tant le "cas Cantat" est accablant. La série nous replonge dans une époque, pas si ancienne, où l'on ne parlait pas encore des féminicides ou des phénomènes d'emprise. Un temps où la notion aberrante de "crime passionnel" justifiait l'injustifiable.
Le premier épisode repose cette question : Marie Trintignant est-elle morte des suites d'un accident, après une dispute ayant mal tourné, dans sa chambre d'hôtel de Vilnius, la nuit du 26 au 27 juillet 2003 ? Durant sa première audition filmée par la justice lituanienne, le 8 août, son compagnon Bertrand Cantat dit l'avoir poussée à la suite d'une dispute. Il raconte que la jeune femme est tombée et qu'elle s'est peut-être cogné la tête en heurtant le sol ou un radiateur. Quand on lui demande des précisions, il ironise en grinçant qu'à la prochaine dispute il devra penser à prendre des notes.
Lors de la deuxième audition, le 21 août 2003, son discours évolue : la rock star avoue être entrée dans "une colère noire" et lui avoir donné "des grandes baffes" avec, dit-il, "des bagues à mes doigts". Il joint le geste à la parole et montre, en pleurant, comment il lui a mis plusieurs gifles "aller-retour" : "4 ou 5 ou 6 comme ça. Fort. Fort". Il dit qu'il était jaloux parce que Marie Trintignant avait reçu un texto qu'il jugeait trop tendre de son ex-compagnon, le réalisateur Samuel Benchetrit. Il affirme qu'elle l'a frappé la première et qu'il a des ecchymoses et une coupure à la lèvre, invisibles à l'image.
La série a le mérite de disséquer toute la mécanique d'un féminicide qui serait passé inaperçu s'il n'avait pas concerné une actrice et un musicien engagé, adulé par les foules. Le témoignage du médecin légiste qui réalisa l'autopsie de Marie Trintignant en août 2003 est glaçant. L'actrice n'est pas tombée dans le coma à cause de quelques "baffes".
Bernard Marc explique qu'elle a été battue avec acharnement et une violence extrême. Il a relevé des lésions multiples au crâne et sur la face, une fracture du nez, un écrasement du larynx. Le légiste parle "d'une quinzaine, une vingtaine de coups reçus", qui n'ont, selon lui, pu être portés en quelques secondes. "On a un enchaînement qui a nécessité plus", dit-il.
Ce qui fait également froid dans le dos quand on revoit ces archives, ce sont les titres et les commentaires de la presse. Bertrand Cantat a tué sa compagne mais il est lui-même souvent présenté comme une victime. La presse titre sur un amour dévastateur et destructeur. Pour résumer, Bertrand a tué Marie parce qu'il l'aimait trop.
Très vite, une petite musique bien connue se fait également entendre. Celle qui chante que les femmes victimes de violences l'ont peut-être "un peu cherché". L'actrice se retrouve en position d'accusée. Pensez donc, elle est la mère de quatre enfants, tous de père différent. Et il est avéré qu’avant l'homicide, elle avait bu et fumé des joints.
À cet égard, la série exhume une interview édifiante de Xavier Cantat, frère aîné de Bertrand, réalisée par Thierry Ardisson en 2004 après la parution de son livre « Méfaits divers : Journal d'un frère ». L'animateur prend ouvertement parti pour son invité qui attaque avec virulence la mère de Marie Trintignant et son amie Lio. Il juge son ouvrage "très mesuré" et affirme que la comédienne cultivait en revanche "un certain désordre affectif". Et d'ajouter : "Elle était capable de nombreux excès, tout le monde le sait".
Condamné à 8 ans de prison en Lituanie, Bertrand Cantat a été transféré en France où il a obtenu en 2007 une libération conditionnelle pour bonne conduite. Seulement 4 ans d'incarcération s'indigneront les proches et les soutiens de la famille Trintignant.
Le chanteur retrouve alors sa femme, Krisztina Rády qui est aussi la mère de ses deux enfants. Il l'avait épousée en 1997 et quittée cinq ans plus tard pour suivre Marie Trintignant. Le dernier épisode de la série est consacré à la deuxième femme de cette tragédie en plusieurs actes.
Krisztina Rády avait soutenu Bertrand Cantat lors du procès, affirmant qu'il n'avait jamais été violent avec elle. Sa déposition avait pesé lourd dans la balance judiciaire, incitant probablement les juges à la clémence. Le couple avait repris la vie commune en 2007 avant de se séparer une nouvelle fois.
La série de Netflix rediffuse un message poignant laissé en juillet 2009 par Krisztina Rády sur le répondeur de ses parents en Hongrie. Il traduit sa peur et son impuissance face au comportement de Bertrand Cantat qu'elle juge "fou". Six mois plus tard, à 41 ans, elle s'est pendue dans la maison familiale en laissant une lettre. Son fils a découvert son corps alors que Bertrand Cantat dormait au salon. Une enquête expéditive sera menée, aboutissant à un classement sans suite.
La journaliste Anne-Sophie Jahn raconte aussi dans le documentaire qu'elle a pu discuter avec un ancien membre du groupe Noir Désir. Ce témoin, qui reste anonyme, lui aurait affirmé que Bertrand Cantat avait déjà été violent avec Krisztina Rády avant la mort de Marie Trintignant ainsi qu'avec deux autres femmes.
Il parle également d'un pacte qui aurait été passé après l'homicide entre Krisztina Rady et le groupe Noir Désir pour mentir et couvrir les actes de Bertrand Cantat. Pour ne pas divulgâcher la fin de la série, disons seulement qu'une habile mise en abîme permet de souligner le chemin parcouru dans la reconnaissance et la prise de conscience des mécanismes de la violence conjugale.
"J'aurais voulu qu'on en parle plus de ce mec" dit Richard Kolinka dans le film à propos de Bertrand Cantat. Raté. La diffusion de la série enflamme les réseaux et relance le débat entre ses détracteurs et ses fans qui considèrent qu'il doit pouvoir vivre normalement et poursuivre sa carrière musicale sans que des manifestations d'hostilité perturbent ses concerts.
Les réactions publiées sur YouTube après la diffusion de la bande-annonce sont éloquentes. En voici un petit florilège : "Il a purgé sa peine. Pourquoi un tel acharnement ?", "J'avoue que ce documentaire m'a ouvert les yeux, là où je gardais au fond de moi une espèce de "tolérance" romantique à l'égard de la passion destructrice", "Juste après la sortie de l'album de Détroit [le groupe de Bertrand Cantat formé en 2013], quel bon timing pour les "merdia". Il y avait déjà peu de chances d'espérer une tournée mais je crois que là c'est réglé malheureusement", "Merci pour ce docu qui nous ouvre les yeux. Je ne savais pas tout ça".
Pour conclure, nous reprendrons à notre compte la réaction d'un spectateur sur Facebook qui écrit : "Ce docu donne la rage, comme celle, longtemps inaudible, de la chanteuse Lio, sentinelle et vigie d'un combat qui se conjugue toujours au présent". Valérie Gaget.
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Sorti il y a quelques jours sur la plateforme, "De rock star à tueur : le cas Cantat" revient sur le meurtre de Marie Trintignant par son ex-compagnon, à l'été 2003.
Le documentaire "De rock star à tueur : le cas Cantat" secoue à nouveau l'opinion publique sur le rôle du leader de Noir Désir dans le meurtre de Marie Trintignant. Disponible depuis le jeudi 27 mars sur Netflix, cette mini-série de trois épisodes rembobine, plus de vingt ans après, les faits survenus durant l’été 2003. Dans une chambre d'hôtel de Vilnius (Lituanie), l'actrice décédait à 41 ans des suites des nombreux coups infligés par son compagnon, Bertrand Cantat. Le tout sous la houlette d’Anne-Sophie Jahn, journaliste au "Point" et co-réalisatrice du programme. Les réalisateurs donnent notamment la parole aux proches de la regrettée comédienne, à l'image de Richard Kolinka, ancien compagnon de l'actrice et père de son fils Roman, ou encore de Lio, l’une de ses amies proches, qui essayait déjà à l'époque de défendre la mémoire de la victime et luttait contre ce qui avait été désigné comme "un crime passionnel". En revanche, aucun membre du groupe n'a souhaité participer au documentaire, malgré les sollicitations.
Or, le lundi 31 mars, le guitariste et compositeur Serge Teyssot-Gay a brisé le silence lors d'une rare prise de parole sur son compte Facebook. "Puisqu'on me re-re-somme de m'exprimer, voilà un de mes posts de 2017 qui reprend un communiqué de 2010. Et donc ça fait 15 ans", s'agace le musicien, repartageant sa publication de l'époque. Il avait ainsi écrit en 2010 sur cette affaire de féminicide qui avait entraîné son départ de la bande de rockeurs bordelais : "Je fais part de ma décision de ne pas reprendre avec Noir Désir, pour désaccords émotionnels, humains, et musicaux avec Bertrand Cantat, rajoutés au sentiment d’indécence qui caractérise la situation du groupe depuis plusieurs années. Bonne journée je repars composer de la musique. PS : Les trolls et leurs commentaires seront supprimés par l’administrateur qui prend les commandes dès maintenant, je ne les verrai pas", avait-il écrit en 2010. Sept ans plus tard, il ne regrette rien, son avis n'ayant pas changé d'un iota. "Je ne rajoute ni n’en retranche rien. Et ne prendrai plus la parole à ce sujet, inutile de me solliciter", précise le musicien.
La décision radicale de Serge Teyssot-Gay à la suite du drame avait officiellement sonné la fin de la chanson pour le quatuor, alors qu'il se préparait pourtant à enregistrer un nouveau disque. Or, aucun album n'a vu le jour depuis 2001 en raison des démêlés judiciaires du leader de Noir Désir. La sortie de ce documentaire offre une relecture des faits et met en lumière les dysfonctionnements de l'époque : la clémence de la justice, les discours ambigus des médias et surtout l’image de Bertrand Cantat, perçu par le prisme de la rock star plutôt que par ses actes criminels. Après le générique de fin, certains spectateurs ont estimé que l'artiste a purgé sa peine et que ce film participe à un acharnement contre lui, tandis que d'autres s'offusquent de l'indulgence judiciaire dont il aurait bénéficié.
Bertrand Cantat avait été condamné en mars 2004 à huit ans de prison par la justice lituanienne. Il avait pu bénéficier d'une liberté conditionnelle pour bonne conduite en octobre 2007, après avoir purgé la moitié de sa peine. Il était resté jusqu'en 2010 sous contrôle judiciaire, qui lui imposait notamment de s'abstenir de produire tout ouvrage ou toute œuvre audiovisuelle liés à la mort de Marie Trintignant et également de ne pas s'exprimer publiquement sur ces faits. Raphaël Giola.
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Dans "De rock star à tueur : Le cas Cantat", mini-série documentaire disponible sur Netflix, Lio, amie proche de Marie Trintignant, est revenue sur le traitement médiatique de l'affaire, d'"une injustice folle".
"À l'époque, je suis indignée par ce type de traitement donc j'ai parlé pour défendre Marie". En janvier 2006, cela fait 2 ans et demi que Marie Trintignant a été tuée par Bertrand Cantat dans une chambre d'hôtel de Vilnius (Lituanie). Depuis, l'opinion française se déchire autour de cette affaire. Dans la mini-série documentaire "De rockstar à tueur : Le cas Cantat", disponible sur Netflix, les réalisateurs Zoé de Bussière, Karine Dusfour, Nicolas Lartigue et Anne-Sophie Jahn donnent notamment la parole aux proches de Marie Trintignant, à l'image de Richard Kolinka, ancien compagnon de l'actrice et père de son fils Roman, qui sont longtemps restés silencieux pour tenter de faire leur deuil.
Une séquence devenue culte
Sauf Lio, amie proche de Marie Trintignant, qui essayait déjà à l'époque de défendre la mémoire de la victime et luttait contre ce qui avait été désigné comme "un crime passionnel". Dans le documentaire, elle revient sur une séquence devenue culte. Celle de son passage dans "Tout le monde en parle" le 7 janvier 2006. Invitée de l'émission de Thierry Ardisson face à Muriel Cerf, victime de violences conjugales et autrice de "Bertrand Cantat ou le chant des automates", elle avait remis en place l'écrivaine, qui disait dans son livre : "L'univers de la passion est une tuerie par essence". "Dire que Marie était responsable de sa mort avec lui, que c'est la passion et l'amour qui l'ont tuée, non. L'amour n'apporte pas la mort. (...) Moi ce que je sais, c'est que Marie est morte avec un visage qui était détruit comme après un accident de moto eu à 120 à l'heure et ce sont les mots mêmes des médecins ! Tant que les femmes accepteront d'être victimes au nom de l'amour c'est foutu. 'On t'a volé ton amour' mais qui lui a volé son putain d'amour ? Marie est morte sous ses coups", s'emportait la chanteuse sur un plateau amorphe.
"Je n'arrive pas à gérer autrement qu'en étant spontanée", confie Lio dans le documentaire. "Dans cette émission, le seul discours est le crime passionnel. Moi, c'est pour ça que je parle autant. C'est d'une injustice folle. Et après ça, on m'a humiliée, traînée dans la boue", se souvient l'artiste. "À l'époque, Lio est d'autant plus courageuse qu'elle est la seule à le faire", salue Michelle Fines, journaliste police-justice qui avait suivi l'affaire pour TF1 et qui participe également à cette mini-série documentaire. "Donc elle court le risque qu'on dise qu'elle aussi est hystérique. Et moi je ne comprends pas l'enjeu, personne ne le comprend à l'époque", poursuit la journaliste qui, au cours de ces trois épisodes, n'hésite pas à remettre en cause son travail et celui de ses confrères dans le traitement de cette affaire.
"Il ne s'est pas marié trois fois, lui !"
Dans les mois qui ont suivi la mort de l'actrice, l'espace médiatique a été occupé par les proches de Bertrand Cantat, comme l'explique la journaliste et réalisatrice du film Anne-Sophie Jahn. "Les proches de Marie Trintignant ne s'expriment pas publiquement, ils sont dans le deuil. Leur avocat Me Georges Kiejman (qui apparaît également dans le documentaire, ndlr) est le seul à le faire". Ce qui laisse alors le "champ libre" aux proches du leader de Noir Désir et à ses soutiens ou ceux qui lui trouvent des circonstances atténuantes. On voit alors une succession de séquences lunaires diffusées à la télévision à l'époque. À commencer par un extrait de l'émission "Mots croisés", animée par Arlette Chabot en mars 2004. "Ce qui est fondamental chez Bertrand Cantat, c'est la fidélité. Il ne s'est pas marié trois fois lui !", lance le journaliste Arnaud Viviant, provoquant l'indignation de l'avocat Me Hervé Temime, présent sur le plateau. "Pourquoi ne pas le dire, ce sont les faits ! Si je devais plaider en faveur de Bertrand Cantat à Vilnius, je dirais que c'est d'abord un drame avant d'être un crime", avait poursuivi le journaliste qui travaillait à l'époque aux "Inrockuptibles".
Une autre séquence paraît aujourd'hui inimaginable. En novembre 2004, Thierry Ardisson reçoit dans "Tout le monde en parle" Xavier Cantat, le frère aîné du chanteur. "Vous parlez de la réécriture de la personnalité de Marie alors qu'elle était capable de certains excès tout le monde le sait", introduit l'animateur. "Elle a eu plein d'amants, elle a eu 4 enfants de 4 pères différents c'est absolument pas lui rendre hommage de vouloir en faire une petite fille modèle, ce qu'elle n'a jamais été. Ils essaient de nous faire croire que jamais ils ne l'ont vue se fâcher après quelqu'un, ben ils ne l'ont pas vue alors", déversait Xavier Cantat devant un Thierry Ardisson hochant la tête. "Là on a l'exemple de complaisance de Thierry Ardisson qui anime l'une des émissions les plus vues de France et qui laisse sur son plateau le frère de Bertrand Cantat démolir l'image de Marie Trintignant alors qu'elle vient d'être massacrée à mains nues", commente Anne-Sophie Jahn.
Bertrand Cantat avait été condamné en mars 2004 à huit ans de prison par la justice lituanienne. Il avait pu bénéficier d'une liberté conditionnelle pour bonne conduite en octobre 2007, après avoir purgé la moitié de sa peine. Il était resté jusqu'en 2010 sous contrôle judiciaire, qui lui imposait notamment de s'abstenir de produire tout ouvrage ou toute œuvre audiovisuelle liés à la mort de Marie Trintignant et également de ne pas s'exprimer publiquement sur ces faits. Léa Stassinet.
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